Saint Vincent, Saint Blasi et Carnaval

Février venu, le temps des fêtes traditionnelles d’hivers se réveille imperturbablement. Tandis que des villages se meurent, perdent leur identité, laissent en ruine les vieilles maisons du centre pour mieux investir des quartiers neufs, périphériques, distants, froids, décharnés, déboisés, « rond-pointisés », d’autres luttent, retrouvent des racines, rallument des consciences, regroupent des plus jeunes.

Si la cave coopérative n’est plus un repère dans la cité, « dorénavrant », c’est bien le supermarché qui prend la place avec ces boutiques de marques qui nivellent les envies, les habits, les apparences, et laissent les âmes du pays sans appartenance, sans lien.

Saint-Vincent de tournante par ci, carnavals par là, toutes ses fêtes païennes redonnent vie et conscience. Elles ont toutes un sens tiré du passé.

Saint Blasi et Carnaval à Pézenas

Elles nous invitent à communier, à être en union avec un autre qui danse avec ou à côté de nous, sur cette même musique lancinante ou bien trinquant, chacun son verre, le même vin. Les années filant, filantes comme des étoiles, la foule qui s’y retrouve grossie. Loin d’un folklore stérile pour touristes ennuyeux, loin d’un cortège pour parents d’élèves « photonumérisés », des vieux viennent à nouveau, bras dessus bras dessous battre le pavé avec des plus jeunes, d’autres enfilent des masques d’hommes sauvages revêtus d’oripeaux, chacun se laissant gagner par la ferveur d’un moment qui se partage, au sein de la vieille ville, embringués dans des charivaris plus ou moins sages, ravis de reconnaître une mélodie entêtante, heureux de retrouver les mêmes scènes de passage, de marquage du temps, d’empreinte.
Le vin nous secoue de la même temporalité, de la vigne effeuillée l’hiver, parsemée de bois mort, taillée, semblable à un cimetière militaire, qui renaît verte, se charge de fruits aux vendanges, jusqu’à la mise en bouteille d’une nouvelle cuvée, nouvelle naissance, nouveau millésime à déguster.

Ce qui dure nous relie au passé tels sont la fête, le vin, les hommes.

Voir la vidéo du reportage du 13h de TF1 :

http://videos.tf1.fr/jt-13h/le-carnaval-de-pezenas-tout-de-blanc-vetu-5696422.html

Pezenas Fête des Morts

Notre guide

N’en déplaise à notre culture aseptisée contemporaine, la mort peut se fêter…autrement qu’en achetant des chrysanthèmes aux portes des cimetières le 1er Novembre.

Pézenas, a de cette folie apparente, tirée par l’énergie de quelques uns, regroupés au sein de l’association « Le Théâtre des Origines ». Il ne s’agit pas d’un attrape touriste d’arrière saison auquel on vendrait encore un peu plus notre âme pour en vivre. Il ne s’agit pas davantage de ces agitations de façades, amicales d’anciens, traditions de folklore qui n’intéressent plus personne, pseudo fête de village regroupant le maire, ses adjoints et les assoiffés du vin d’honneur.

Non, Pézenas a de cette folie que des hommes lui donnent, sans valeur marchande, sans bénévolat, par besoin, par envie, par nécessité. Car Pézenas est en vie et fête les Morts, traçant dans les ruelles de la ville, un cortège impressionnant. Partant de la mairie, à la nuit tombée, ce samedi soir, rythmé par les tambours des musiciens d’Els Berros de la Cort, notre guide perché sur des échasses, éclairé par une lampe torche accrochée autour de sa grande canne, scande « Alegria », « Alegria », « laissez passer l’Armier, le messager des âmes, suivons-le dans lo passa, la carrièra de Martror. »

Plus de 2 heures à le suivre, à chercher ce lien qui nous unit sur ce bout de terre que nous avons tous choisi, pour y vivre, y exister et forcément y mourir. Il y a dans cette fête ce que dans le vin on parle de terroir, cet attachement à nos origines. Pézenas nous invite à lier à nouveau le visible et l’invisible, à rapprocher son passé de l’avenir que nous lui fabriquons chaque jour.